Lundi 25 mai 2020 : Bozel le chemin des ardoisiers, Tincave, le Pré
Article mis en ligne le 27 mai 2020
dernière modification le 4 avril 2023

par Philippe Pellicier

C’est notre reprise d’activité après deux mois de confinement et notre première sortie de la saison. Nos nous retrouvons à dix participants, limite autorisée pour respecter les consignes sanitaires, après le hameau des Molinets au dessus de Bozel. Le but est d’herboriser sur ce versant depuis l’altitude de 1100 m jusqu’où l’état d’avancement de la végétation le permettra.
Après une petite portion en lisière, nous traversons le torrent du Bonrieu dans une partie en forêt fraîche. Nous atteignons ensuite le village de Tincave et poursuivons par le sentier qui rejoint le hameau du Pré. Le retour se fera par la piste.
Au départ nous essayons de fair un tour de la végétation en commençant par les arbres et arbustes qui ont colonisé ce versant jadis occupé par des cultures : pin sylvestre (Pinus sylvestris), robinier faux acacia (Robinia pseudoacacia), alisier (sorbus aria), frêne (Fraxinus escelsior), genévrier commun (Juniperus communis), cornouiller sanguin (Cornus sanguinea). Une graminée domine dans la strate herbacée : le brome dressé (Bromopsis erecta). Elles caractérise les pelouses plus ou moins sèche. Parmi les plantes de la pelouse on peut citer sans être exhaustif : Le dactyle pelotonné (Dactylis glomerata), Le polygale à toupet (Polygala comosa), la coronille à toupet (Hippocrepis comosa), le lotier corniculé (Lotus conriculatus), la germandrée petit chêne (Teucrium chamaedrys), le silène penché (Silene nutans), l’orchis militaire (Orchis militaris), la plantanthère à fleurs verdâtres (Plantanthera chlorantha), dont les deux sacs de pollen sont divergents, la laîche de Haller (Carex halleriana), etc.
Nous avons pu aussi observer un papillon Apollon posé dans les herbes. Un des seuls papillons de la journée qui soit resté un peu immobile. Il y a toujours eu un peu de vent : les papillons nous sont passés devant les yeux mais sans jamais se faire accessibles à notre observation !
En traversant la forêt d’épicéas mêlés de feuillus, on note : L’actée en épi (Actaea spicata), La luzule blanc de neige (Luzula nivea), la laîche digitée (Carex digitata), le polygale faux-buis (Polygala chamaebuxus), une ombellifère typiquement forestières, La sanicle d’Europe (Sanicula europaea), La mercuriale des bois (Mercurialis perennis) qui forme des colonies étendues. C’est une plante dioïque où nous différencions les pieds mâles et les pieds femelles. Un peu plus loin le sous-bois s’éclaircit : La raiponce à feuille de bétoine (Phytheuma betonicifolium), la campanule à feuille de pêcher (Campanula persicifolia), le millepertuis des montagnes (Hypericum montanum). À la faveur d’un petite trouée qui donne de la lumière apparaissent des plantes que l’on va rencontrer plus loin, mais une particulièrement attire notre attention : l’arabette des rochers (Arabis nova). C’est une brassicacée (crucifère) annuelle qui atteint 80 cm de hauteur à la fin et qui se caractérise par des feuilles à oreillettes à la base, par des fruits étalés qui dépassent 6 cm de longueur et dont les pédicelles sont plus fins que le fruit. C’est une plante que l’on en trouve que dans les Alpes et un peu dans les Pyrénées. En Tarentaise elle n’est pas très fréquente, sans doute sous-observée de par sa discrétion, sa période précoce de floraison. Nous l’avons revue plus haut dans des fourrés à hautes herbes, mélangées à d’autres plantes, la plupart d’entre nous ne l’avaient par remarqué.
Nous observons aussi sur une souche des pholiotes changeantes (Kuehneromyces mutabilis), un champignon qui pousse en touffe sur les souches. Assez fréquent et comestible.
Dans la montée après Tincave on peut souligner la présence de quelques plantes sur lesquelles nous nous sommes arrêtés :
 le tabouret à pétales courts (Noccaea brachypetala) dont les fleurs discrètes passeraient inaperçues si elle ne formaient pas une grappe dense. Les pétales sont courts et d’un blanc légèrement verdâtre qui les font presque confondre avec les sépales qu’ils dépassent peu. la grappe fructifère est très allongée et les fruit en cœur et un peu en cuillère, ont une profonde échancrure au sommet ;
 la knautie de Timeroy (Knautia timoreyii subsp. carpophylax), possède des fleurs roses alors que la knautie des prés a des fleurs bleu mauve. Baucoup confondent ces knauties avec des scabieuses dont le nom est plus connue et qui pourtant sont moins fréquentes. La knautie de Timeroy dans cette sous-espèce est une plante des vallées intra-alpines, des prairies et pelouses sèches. En Savoie elle peu fréquente, en Tarentaise surtout connue sur ce versant de Bozel ;
 la potentille de Thuringe (Potentilla thuringiaca), aux fleurs jaune d’or et aux feuilles généralement à 7 folioles digités (disposées comme les doigts d’une mains). Une belle plante printanière que l’on rencontre par endroit en Savoie, surtout en Tarentaise et Maurienne. Passe souvent inaperçue car confondue avec d’autres potentilles communes ;

Aux abords du hameau du pré nous observons des prairies fleuries riches en couleurs avec des plantes classiques de ces milieux : géranium des bois, géranium livide, marguerite, cerfeuil des bois, cerfeuil doré, dactyle pelotonné, avoine pubescentes, fromental, fétuque élevée, campanule rhomboïdale, silène enflé, achillée millefeuille, lotier corniculé, knautie des champs, sauge des prés, sainfoin, salsifis des prés, une orchidée l’orchis brûlé, etc.
Et parmi cette végétation luxuriante nous avons pu admirer le début de floraison du lychnis fleur de Jupiter (Lychnis flos-jovis) qui émaille la prairie de ses fleur d’un rose profond. C’est une plante connue en Tarentaise de quelques points seulement, plus fréquente en Maurienne et dans le Sud des Alpes. Ici la station est remarquable.

Nous avons noté également en continuant sur la piste après le Pré de magnifiques colonies d’asphodèles (Asphodelus albus subsp. delphinensis) en début de fleuraison. Mais aussi quelques pied de
 Gesse de l’Occident (Lathyrus ochraceaus) en bouton ;
 quelques pieds de Gymnadène très odorante (Gymndenia odoratissima) en bouton. Nous avons pu observer l’éperon à nectar sur les fleurs inférieures sur le point de s’épanouir : il est court, ce qui caractérise l’espèce. C’est une plante protégée en région Rhône-Alpes ;
 Une grassette commune (Pnguicula vulgaris) dans une petite zone humide de pente, dont nous nous sommes interrogés sur la possibilité qu’elle puisse être la variété alpicola aux fleurs dépassant 2 cm de longueur, sans pouvoir y apporter une réponse certaine...
Dans la prairie nous avons pu observer des fleurs de knautie qui avaient un aspect particulier : la plante est parasitée par un champignon (Microbotryum scabiosae) qui forme ses spores ocre pâle dans les étamines à la place du pollen : une stratégie de dissémination du champignon par les insectes qui viennent visiter la plante. Un peu plus loin ce sont des euphorbes petit cyprès (Euphorbia cyparissias) qui sont déformées par la présence d’un champignon parasite du groupes des urédinales (ou rouilles). Le champignon (Uromyces scutellatus) forme d’abord des petites taches orange en séries (les spermogonies), puis des pustules brunes qui font éclater l’épiderme et émettent des spores (plus précisément des conidies) qui seront aptes à infecter d’autres individus ou à rester en latence dans le milieu jusqu’à l’année suivante.

Le retour se fait par la piste jusqu’à Tincave, puis par le chemin forestier emprunté à la montée.
À la voiture Maurice et Lisette nous ont préparé un roulé aux myrtilles, bienvenu après cette journée bien remplie !

Actée en épi ©Photo Ph. Pellicier Knautie de Timeroy ©Photo Ph. Pellicier Asphodèle ©Photo Ph. Pellicier Asphodèle ©Photo Ph. Pellicier Mercuriale des bois ©Photo Ph. Pellicier Tabouret à pétailes courts ©Photo Ph. Pellicier Sauge des prés ©Photo Ph. Pellicier Lychnis fleur de Jupiter ©Photo Ph. Pellicier Lychnis fleur de Jupiter ©Photo Ph. Pellicier Uromyces scutellatus sur Euphorbe petit cyprès ©Photo Ph. Pellicier Téleutospores de Uromyces scutellatus ©Photo Ph. Pellicier